Il n'y a plus de "problématique requin" à proprement parler à La
Réunion, seulement un abandon pur et simple des autorités locales se
cachant derrière des panneaux qui les dédouanent pénalement. Un statu
quo honteux qui a la sale couleur coupable du désaveu et du déni
irresponsable de la réalité. La politique de l'autruche sous-marine en
somme, qui profite encore malheureusement, et cyniquement, à toutes
sortes de volontés toxiques parasitant tout débat constructif allant
dans le sens d'un toujours plus reculé retour à la normale, c'est à dire
au plein surf autorisé et protégé, sans risque, en adéquation avec une
préservation du biotope marin. Rien que ça.
Moins animés de trouver les moyens humanistes et responsables d'un
retour à la mer "comme avant", que de profiter de la conjoncture pour
attirer une couverture opportuniste à eux- "eux" étant ceux que la
situation balnéaire nouvelle arrange, et dont les activités
professionnelles "surfent" dorénavant sur ce vide sidéral touristique
des plages depuis les attaques, et la psychose qui s'en est suivie.
Ceux là donc n'ont absolument aucun intérêt à une évolution bénéfique
quelconque de la situation de la fréquentation aujourd'hui très
compromise des eaux de baignades marines, se démarquer dans des débats
contradictoires et stérile semblent manifestement leur suffire, tant que
cela plombe tout et maintient une inertie très arrangeante, incidemment
pour l’État et les élus, plus obligés aujourd'hui de devoir moralement
débloquer des fonds qualifiés de "discutables", pour une logistique, il
est vrai- en apparence du moins- résolument éloignés des contingences
sociales de plus démunis, de la précarité, du chômage, de l'illettrisme,
bien loin derrière, tout au fond de cette cuve sociale explosive
réunionnaise, où on peinera encore à placer le surf interdit et la
baignade menacée pour cause d'attaque potentielle de requin, car pas du
tout porteur électoralement parlant, et qui ne gagnera jamais la faveur
d'aucun politique.
De Boucan Canot, lieu de la disparition tragique de Matthieu Schiller,
en passant par Ti-Boucan, là où est décédé Eddy Auber, Roches Noires, où
un gamin s'en est sorti de justesse, et où non loin de là Éric Dargeant
a perdu une jambe, fleurissent des panneaux informatifs et avertisseurs
de taille imposante, dont le caractère pédagogique ne sert
manifestement que de prétexte pour amener à l'essentiel, le fameux "à
vos risques et périls" qui dit tout et peu, bien sûr, mais inutile
d'être sorti de la cuisine à Juju pour comprendre toute la portée de
cette simple tournure.
Nanti d'une interdiction formelle d'activités nautiques, toujours pas
levé sur les plages surveillées par les MNS, l’Etat s'est forgé une
durable double protection hypocrite. Les panneaux avertissent du danger
potentiel là où ils sont implantés, le libre arbitre seul est alors
requis, mais s'oppose à une interdiction préfectorale toujours
d'actualité, que les MNS et les gendarmes veillent à faire respecter, en
particulier à Boucan et aux Roches.
Ailleurs, aux Aigrettes par exemple, le surf y est tout aussi interdit, comme à Perroquet ou Ti-Boucan.
Seulement, sur ces plages éloignées de tous regards accusateurs ou
compromettants, l’État ne viendra pas vous y chercher des noises:
"prière, donc, d'aller se faire bouffer ailleurs SVP, merci!", telle
aurait été une des formules appropriées si la situation avait pu prêter à
quelque humour noir. Si malheureusement ne persistait pas le nauséeux
sentiment que Eddy Auber et Matthieu Schiller étaient en définitive
morts pour rien, pour que rien ne leur survive de digne, que rien ne soit
finalement fait en leur honneur, en leur noms, en mieux, des leçons tirées, que rien ne fleurisse sur
leurs souvenirs, là où la furie des vagues réunionnaises avait réussi à
donner de vraies lettres de noblesses au surf local, et à ses
représentants sur la scène mondiale, et publique, pour la joie, la
sensation, les enfants en école de surf... il n'y a que l'indifférence.
Aux Roches Noires le surf contre offensif commence à reprendre ses droits, en cachette, en "missouk" comme on dit ici.
De l'aurore jusqu'à 09h00, heure de prise de fonction des MNS, des
riders courageux, ou téméraires, ou inconscients du danger réel- car
régulièrement la présence de bouledogues de taille respectables sont
signalés, au large comme au bord- se jettent à l'eau pour braver
l'interdit et surfer, comme avant, ou comme si de rien n'était.
Récemment, une altercation entre MNS et surfers récalcitrants à sortir
de l'eau bien après l'heure fatidique, à donné lieu à des échanges peu
courtois, le sujet est sensible, ces mêmes MNS, souvent surfers eux
mêmes, sont perçus comme traitres à leur race, à leurs frères d'armes,
insultant l'identité de surfer libre, locaux, subversifs et rebelles
dans l'âme, oubliant un peu vite que les MNS sont avant tout assermentés
et ne font que leurs travail, sous pression.
Timidement, aussi, le surf reprend là où il y a encore peu, personne ne
se risquait plus, plus depuis les attaques, c'est pas comme avant bien
sûr, mais il y a ce côté pendaison de crémaillère qui fait chaud au
cœur, au cœur de ceux pour qui le surf est avant tout une histoire de
vie océane, qui l'espace d'un moment, cède à la déraison ludique, sans
contrainte du jeu de la glisse dans la vague.
Aujourd'hui, plus personne ne parle de ça officiellement. Officiellement
le débat est clos, seuls ceux qui refusent ce diktat s'en offusquent,
et ils sont à peine une poignée, qui se sent trahie, en tant que surfer,
en tant que citoyen également, car aussi paradoxal que cela paraisse,
il y a des penseurs dans le milieu du surf saint-gillois, des gens qui réfléchissent,
et se désolent de la bouillasse que l'on appelle "atelier de réflexion".
Pas de nom, pas la peine, on en est plus là, le spectacle de la vacuité
est à peine moins éloquent que ceux, la majorité réunionnaise, qui s'en
foutent royalement et s'en contre foutent jusqu'à plus soif, parce que
depuis toujours on leur bourre le mou avec ce cliché à la vie dure que
le surfer type n'est qu'un sale branleur suffisant de fils à papa plein
aux as, qui n'a finalement que ce qu'il mérite. Pire, crever en
finissant dans la gueule d'un squale qui vous déchiquète sur pied n'est
que le juste tribut de ceux qui ont décidés de vivre en marge et qui
fument trop de la cigarette qui fait mort de rire. J'en passe et des
meilleures..
Si les vagues restent infréquentables, les plages et les snacks se
remplissent de nouveau, d'une clientèle nouvelle, ou ancienne qui
s'adapte bon gré mal gré à cette situation particulière des eaux de
baignades, où seul un espace ridiculement petit encadré par un filet,
vous autorise à vous baigner.
Indifféremment la houle déferle, des vagues parfaites aux plus pourries
se succèdent, de mois en mois, et pas l'ombre d'une prise en main
responsable, pas une voix officielle qui reconnaisse le statut du surf
local comme une structure intellectuelle et conceptuelle valable, autant
que culturelle, digne de ce nom, au même titre que la préservation des
livres en bibliothèque.
Pas une voix officielle qui s'émeut, ou se désole de la disparition du
surf dans le giron originel réunionnais, car on ne le souligne pas
assez, le surf réunionnais est né à Saint-Gilles les bains, sur la plage
des Roches Noires, et j'ai encore cette chance de parfois croiser un de
ces pionniers, et d'observer même des clichés de cette époque remontant
à une quarantaine d'années, et selon d'autres sources à une
cinquantaine d'années, toujours au même endroit.
Une seule personne aujourd'hui se place véritablement au-dessus du lot
de l'embrouille moyenne, là aussi, pas de nom, car là encore on en est
plus là.
Plébiscité au départ de sa prise de position contre un certain
extrémisme écologique opportuniste néfaste au dialogue et à la prise de
décision objective, puis rallié à ces mêmes écologistes de l'ailleurs
revenus à une compréhension plus humaine et moins obstinément attaché à
l'unique cause animale, acceptant finalement l'idée du débat d'idée
progressiste avec l'"ennemi", condamné par ses pairs pour ça, qualifié
de retournement de veste, de parjure, de trahison même, il fait a
présent cavalier seul, une de ses applications "mobile" lié à la
prévention du risque requin existe pour Andoïd, gratuite, il mène une
campagne pour l'information vraie, dégagée de sa gangue de peur et
d'obscurantisme, et identifie sans peine "ceux" à qui profite vraiment,
enfin, l'anéantissement du surf saint-gillois, aussi appelé "zoreil land" ou "pédés land", tout un programme..
Il ne défend aucune association, aucun leitmotiv, et on ne le voit plus à
la télé locale depuis longtemps, mais son intellect œuvre sans faillir
pour que la considération scientifique parvienne un jour à suffisamment
influencer les décideurs locaux, et qu'enfin, comme là où la "surf
culture" a façonné l'identité nationale, sociale et politique de ces
contrées, pas très éloignées de nous d'ailleurs, l'on ait ce courage
politique de dire que le surf réunionnais mérite que l'on se batte pour
lui, et que l'on se donne les moyens de redonner au surf le pouvoir qui
était le sien d'insuffler une telle dynamique, qu'en trente années il
était devenu le fer de lance incontournable du développement économique
de Saint-Gilles, le poumon touristique de l'Ouest, l'attraction
principale des activités nautiques des plages, qui aura réussi à étendre
son pouvoir tentaculaire partout là où le sable est blond et la mer
bleue, généreuse en vague.
Ce qu'il a à dire est gênant, ce que je dis est gênant, et ce qui l'est
vraiment, à mes yeux, c'est que l'on soit si peu à le dire, et moins
encore à le défendre.
jeudi 24 mai 2012
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