mardi 11 mars 2008

POLIS... (TIQUE)!!!...

Il y a quelques temps de cela, je rentrais du travail, de nuit, trop tard pour faire les boutiques, mais pas assez pour avoir quand même envie de satisfaire une faim tenaillante. Au détour d'un croisement, sur la route menant chez moi, une lumière assez vive m'indiqua un point chaud, j'avais de la chance si je pouvais encore y trouver un sandwich!!!...
Au comptoir étaient accoudé deux gars du coin, il me semblait, tenue décontractées, pas de véhicules... Des gars qui débarquent, là, à une heure avancée de la nuit pour béqueter un bout, en grosse cylindrée qui plus est, la différence sociale flagrante risquait de me causer quelques soucis, il me semblait toujours bien sûr!!!...
Mais j'étais là à présent, j'avais faim, et outre les bières que ces mecs enquillaient en discutant, je tentais de discerner la présence ou l'odeur du pain chaud.
Heureusement pour moi, la chose était encore possible, vraiment inespérée. En attendant, dans un coin pareil, avec autant de probabilité de se faire insulter de tous les noms, et peut-être pire, parce que l'on vient mettre sous le nez de pauvres gus d'indéniables signes extérieurs de richesses, je n'en menais pas large mais ne le montrais pas, je tentais une approche diplomatique sereine et confiante.
Une bière de plus, la première pour moi, mais surtout pour les deux comparses et la glace fut assez rapidement rompue, et après avoir échangé nos identités communes, sans réellement le vouloir, le hasard de la discussion, alors calme, s'est portée sur la politique et plus précisément sur le premier tour des élections municipales toutes proches.
Et tandis que mon sandwich atterrissait entre mes mains, les deux là se montaient doucement le bourrichon.
Malgré quelques intentions de ma part d'orienter la conversation vers un terrain plus neutre, il semblait évident que ma présence ne comptait vraiment plus maintenant. Je reculais donc d'un pas discret et savourais en connaisseur cette âpre joute verbale, opposant... deux cousins germains!!!... oui m"sieur.
L'un était pour le maire sortant, l'autre pour son principal adversaire. Le premier était de droite, l'autre de gauche, mais je compris vite que c'était surtout une histoire d'homme, de personnalité, de charisme...
Mon sandwich fini et ma bière pas loin de l'être, j'allais tenter une discrète sortie des artistes quand une autre tournée des lascars, qui ne perdaient manifestement pas le nord du gosier sec, vit ma main se remplir à nouveau d'une canette fraîche!!!... Coincé, j'étais fait comme un rat, impossible de partir.
Le ton était encore monté d'un cran, le tenancier du point chaud, lequel faisait maintenant office de tribune politique, rentrait tranquillement son matériel, quand on en vint au coeur de ce qui les opposait vraiment.
Celui qui était contre le maire sortant, était le cousin le plus âgé des deux, la quarantaine bien tapée, une expérience certaine de la vie et un regard déçu sur ce maire de droite, en place depuis des lustres, qu'il avait bien connu au temps où il ne briguait pas encore l'investiture. Déçu par la politique sociale de l'équipe municipale, il misait maintenant sur le challenger, en qualifiant l'actuel maire de traître à la cause des petites gens, ne précisant pas par ailleurs s"il en faisait parti.
L'autre cousin, le plus jeune, un vingtaine d'années tout au plus, soutenait quant à lui le maire en place, se faisant fort d'appartenir à un regroupement de jeunes de quartiers difficiles et défavorisés, qui semblaient avoir l'écoute favorable du premier magistrat. Il travaillait aussi pour la commune, aucune raison pour lui de tourner le dos à ce bienfaiteur des plus démunis, donc.
Ainsi, le plus âgé des cousins était aussi celui qui en avait le plus gros sur la patate, invectivant sans trêve ce jeune blanc bec, de cousin, à peine éclos de l'oeuf, lui signifiant tout son mépris quant à la basse et facile manipulation dont il semblait, une évidence pour le plus vieux des deux, faire l'ignominieux objet!!..
Le plus jeune, fait surprenant, ne semblait ne pas être outre mesure affecté par ces propos envenimés de la part de son propre cousin, au contraire, il gardait son sang froid, calme et sérénité, tout en tentant de maintenir la conversation sur un ton plus bas et plus réfléchi. C'était bizarre et drôle à la fois.
Soit il était convaincu de son fait, le maire était réglo et l'autre se trompait lourdement, soit il avait peur de ce cousin plus âgé, imbibé, qui pouvait se monter violent, mais cela n'expliquait pas pour autant la volonté d'apaisement et d'expliquer les choses calmement. Je finis par comprendre que le jeune était plus fin et plus intelligent dans sa démarche, il connaissait ce cousin qui ne changerait plus, et lui, avait d'autres vues sur un avenir politique qui lui était tout ouvert. Il en était au début, il en était conscient, la bêtise et l'obstination ne faisait rien avancer.
Je finis, quant à moi, d'achever le liquide moiré de ma canette et sans plus être dérangé que ça, me préparais à partir. Une rapide poignée de main de part et d'autre, machinalement un merci de circonstance, et j'enclenchais le moteur de ma moto, sans que le vombrissement du 4 cylindres en lignes de 152 chevaux ne vint troubler le mini meeting politique du point chaud, isolé de tout!!!...
Quelques jours plus tard, en entendant les impressions à chaud de badauds interrogés dans la rue par des journalistes de la télévision, au sujet des élections municipales approchantes, et ce des quatre coins de l'île, je me surpris à me demander si les premiers faisaient exprès de ne retenir que les commentaires les plus hors de propos, une sorte de bêtisier, ou cela était-il le véritable reflet de la politique locale perçue par la population dans son ensemble.
Si je n'ai évidement pas la réponse à cette question, cette réflexion a eu le mérite d'en soulever une autre, et je vous la soumet; quel est le pourcentage réel de la population ayant une connaissance suffisante de la politique, afin d'en maîtriser les tenants et les aboutissants, et de juger efficacement du bien fondé de telle ou telle décision sociale, économique ou culturelle...
Alors que le politique tente de résorber les problèmes de sa commune, canton, département, région... comme il le peut, avec les moyens dont il dispose, les principaux concernés par ces mesures, monsieur tout le monde, lui ne semble voir que "l'écumes de choses", comme dirait notre Président. Faut-il lui en vouloir pour autant?
S'il est un fait que monsieur tout le monde n'a pas fait l'ENA ni Sciences Politiques, et que de briguer un mandat électoral n'est également pas à la portée de tout un chacun, il n'en reste pas moins que le quotidien de monsieur tout le monde en est, normalement, la principale préoccupation. Or, il semble, paradoxalement, que monsieur tout le monde n'a qu'une vague idée des prérogatives de ceux qu'il élit, précisément pour améliorer son assiette. Il ne s'attache, vraisemblablement, qu'a la présentation générale de l'être ou le paraître, plus à la forme que le fond, tant pis si les choses n'avancent pas, tant qu'il a l'impression lorsqu'il le rencontre, fortuitement, que l"élu entend ses tracas de la vie.
De là à dire que c'est justement sur ce point que se font et se défont les carrières électorales...
Entretenir monsieur tout le monde sur l'aspect indéniable d'une politique économique mondialiste, et des répercussions locales inévitables, relève t'il de la gageure? On serait tenté de répondre, malheureusement, que oui?...
Alors plus que les promesses intenables, s'agit-il surtout de convaincre son auditoire d'incarner l'homme ou la femme de l'avenir, que de lui ouvrir, pédagogiquement, rationnellement, les yeux sur son ignorance certaine d'un mécanisme qui dépasse souvent les compétences d'un élu local?...
Car, c'est aussi un fait, très peu de briguant à une investiture ont fait des études économiques et politiques poussées. On se rend compte alors que c'est souvent un monsieur tout le "monde +", si j'ose m'exprimer ainsi, qui se présente devant ses pairs, en leur demandant, somme toute, de le mettre à leurs têtes, de faire de lui le premier magistrat de la commune!!!... Et ça marche!!!...
Ainsi, monsieur tout le monde voit très bien ce qui change pour lui, et s'en tape comme de cache pompon de ce qui change, ou pas d'ailleurs, pour les autres, et comme chacun pense comme lui, ce n'est au final qu'une somme d'individualité qui se fait juge du bilan du maire sortant.
Est-ce la faute à monsieur tout le monde, à l'heure de régler ses factures ou ses impôts et autres taxes d'habitations, s'il se rend bien cruellement compte que son angoisse n'empêchera pas son voisin de dormir du sommeil du juste, contribuable et citoyen?
Ce qui est terrible, quand on est élu local, c'est que l'on doit appliquer des directives européennes, appliquer des quotas, engager des travaux de mises à la norme, suivre les lignes directrices de son parti, attention à ne pas décevoir l'appareil politique et telle alliance qui vous a mis dans le fauteuil d'élu local, au risque de décevoir monsieur tout le monde et de ne pouvoir pérenniser son action politique, de devoir se justifier à tout bout de champs.
Les pauvres ne veulent plus l'être, les riches veulent au moins le rester, les planqués ne veulent pas en branler une, et ceux qui bossent dur, ceux là, on ne leur demande même pas leur avis.
Contenter les uns et les autres, slalomer entres les peaux de bananes glissées sous ses pieds par l'opposition, il n'est guère aisé d'être élu local. Compte tenu de cela, il est paradoxal néanmoins de ne le voir s'adresser à la population qu'en période électorale. Normal, une fois élu disent certains, il bosse pour le peuple!!!... la belle affaire.
Cela dit, moi je suis allé voter. Quoi, vous pensiez que j'étais de ceux qui passent leur temps à concocter des pamphlets et autres diatribes à l'encontre de ceux qui bradent inconsidérément nos libertés les plus élémentaires, et qui par conséquent considèrent que voter revient à pisser dans un violon, car ceux pour qui l'on vote sont tous formaté dans le même moule étriqué, par trop éloignés des idéaux citoyens et républicains pour lesquels ils sont censés se battre?
Certes oui, chroniqueur auto-proclamé de mon temps, témoin actif de mes contemporains, je me réclame d'une liberté de penser légitimée par des années de lutte sociale et culturelle menée par des générations d'hommes et de femmes qui ne profitèrent même pas, à leurs époques, des bienfaits dont nous jouissons aujourd'hui, que je n'oublie pas, et que je respecte infiniment. Et voter fait parti, à mon sens, de cette liberté chèrement acquise, que l'on se doit d'honorer par l'exercice mental primordial, qui consiste à l'analyse pointue, systématique et salvatrice, du monde qui nous entoure.
Ne pas le faire, ne pas en être conscient est dangereux. Impardonnable. Aussi, je ne saurais approuver la contestation pour la contestation, mue par le non vote.
Si, de toute manière, voter dans le contexte précité n'apporte pas plus de solutions que de problèmes, cela permet au moins d'affirmer sa position de citoyen. Que l'on pressera, assez tôt, comme un citron quoi qu'il advienne!!!..
Je suis donc allé voter. Avec ce luxe qui se savoure en connaisseur, de pouvoir glisser un bulletin blanc, au besoin. Ni pour l'un; ni pour l'autre. Juste exprimer le désir d'une alternative autre.
J'ai donc voté. J'ai fait mon devoir, et aussi exercé mon droit, avec une certaine jouissance qui plus est.
Et maintenant quoi? Et bien la vie continue comme on dit, on a peut-être pas de pétrole, mais on a des idées non?
Ce qui a de fort avec les politiques, c'est qu'ils arrivent à actualiser, pour monsieur tout le monde, des idées tellement proches d'une vieille vessie, qu'à si méprendre, on pourrait presque les prendre pour des lanternes toutes neuves.
Alors, pour finir avec ça, la grande question pernicieuse est: qui est arrivé en premier; la crédulité d'un monsieur tout le monde plus enclin à s'attacher à la personnalité d'un candidat, que l'on croira quoi qu'il dise, même si il est l'exemplaire représentant d'une énième mouture du parfait bureaucrate pantouflard, incapable et incompétent avec ça, ou bien; l'opportunisme malsain, ubuesque, cupide, de ceux qui ont trouvé là le terrain idéal- le malaise social- pour asseoir un infect pouvoir, malhabilement teinté d'un vernis humaniste du plus mauvais goût?...
Bon, c'est pas tout ça, je vais bosser moi!!!...